Quand Fabian Ware, l'initiateur de la Commission des Sépultures de Guerre britanniques, entame dès 1916 une réflexion sur les principes architecturaux et paysagers des futurs cimetières, il fait appel à deux des meilleurs architectes anglais de l'époque : Herbert Baker et Edwin Lutyens. Mais les deux hommes, qui ont travaillé ensemble pour l'aménagement de la nouvelle capitale indienne, New Dehli, ne parviennent pas à s'entendre. Si Herbert Baker s'inscrit dans une tradition de cimetières paroissiaux typiquement anglais, Lutyens privilégie l'abstraction et le symbolisme. Fabian Ware sera obligé d'avoir recours à un arbitre, Frederic Kenyon, le directeur du British Museum, pour tenter une synthèse de leurs points de vue divergents.
Quand la construction commence au lendemain de la guerre, chaque architecte a la responsabilité d'un ensemble de cimetières et sera libre d'exprimer sa sensibilité tout en respectant un schéma de base rigoureux.
Les cimetières, du moins les plus grands, abritent un monument conçu par Edwin Lutyens et appelé la Pierre du Souvenir. Il s'agit d'un monolithe massif et abstrait, qui peut toutefois évoquer un autel mais sans référence chrétienne. Ce choix a suscité de vives critiques. Les Eglises catholiques et protestantes reprochaient à Lutyens d'adhérer à la doctrine théosophiste d’inspiration bouddhiste et hindouiste. Soucieuse d'aboutir à un compromis, la Commission a décidé que la Pierre de Lutyens serait accompagnée d'une Croix conçue par Reginald Blomfield. La cohabitation de ces deux monuments aboutit à ce qui sera la principale spécificité des cimetières militaires britanniques : une alliance d’éléments classiques, quasi abstraits, et d’influences purement britanniques.
Le plan même de chaque cimetière peut également refléter les divergences de vue entre les architectes. Les réalisations d’Herbert Baker recréent une atmosphère traditionnelle de cimetière paroissial britannique, l'exemple le plus frappant étant le Trou Aid Post à Fleurbaix. Certains de ceux dessinés par Lutyens, comme à Hersin, Warlencourt et Gézaincourt, font penser à une église, avec les rangées de stèles, divisées par une allée centrale, symbolisant les fidèles face à l’autel. Une des premières ébauches de Lutyens, réalisée en 1917, montre le projet d’un immense cimetière ayant l’aspect d’une cathédrale à ciel ouvert, avec des arbres faisant office de colonnes pour délimiter nefs, chœur et transepts.1 Ce projet n'aboutira pas mais le modèle idéal de la cathédrale continuera de guider Lutyens pour l’ensemble des cimetières qu’il supervisera. Tout l’art d’Edwin Lutyens est dans cette recherche symbolique, autant architecturale que paysagère, aboutissant à une universalité et une solennité puissamment suggérées.
1. Cemeteries of the Great War by Sir Edwin Lutyens, Jeroen Geurst
Extraits d'oeuvres - Edwin Lutyens
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